jeudi 6 novembre 2014

Allemagne : quelles leçons tirer de l’engouement pour les énergies renouvelables ?

Une étude publiée par le cabinet « Finadvice » en juillet 2014 se concentre sur l’Allemagne, qui a réalisé la plus forte progression d’installation d’énergies renouvelables en Europe. Voici 7 leçons à retenir.


Au cours de la dernière décennie, des décideurs politiques bien intentionnés en Allemagne (et aussi dans d’autres pays européens) ont créé des politiques de soutien aux énergies renouvelables. Des lois ont imposé de généreuses subventions et des tarifs d’achat obligatoires pour financer la politique énergétique « Energiewende » qui visait une économie exempte de nucléaire et la réduction des émissions de CO2. Cette diversification à marche forcée du « bouquet énergétique » s’est révélée économiquement insoutenable et a entraîné des effets imprévus dus à cette production variable, intermittente et fatale2.
L’étude publiée par le cabinet « Finadvice » en juillet 2014 se concentre sur l’Allemagne, qui a réalisé la plus forte progression d’installation d’énergies renouvelables en Europe (hors hydraulique), notamment éolienne et solaire.
Bien que les subventions accordées par ces lois aient favorisé un impressionnant déploiement de sources d’énergies renouvelables depuis les années 2000, elles ont aussi créé un déséquilibre des marchés de l’énergie affectant la fiabilité de la production. Il en résulte des augmentations du prix de l’électricité pour la plupart des utilisateurs, ainsi que de la destruction de valeur pour toutes les parties concernées : les consommateurs, les entreprises, les services de production d’électricité et les investisseurs.
Les autres pays, dont la France, devraient tirer profit de la malheureuse expérience allemande dans le développement des énergies renouvelables, intermittentes et fatales, ainsi que de leur difficile intégration dans le réseau d’électricité.
Les sept leçons principales sont :
1) Les décideurs ont sous-estimé le coût des subventions aux énergies renouvelables et leurs conséquences sur l’économie nationale. À titre d’exemple, le programme des « renouvelables » de l’Allemagne a coûté plus de 300 milliards € (Mds€) à ce jour (y compris les montants accordés et garantis, mais pas encore payés). L’ancien ministre allemand de l’Environnement Peter Altmaier a récemment estimé que les coûts du programme atteindraient 680 milliards € en 2022. Il a ajouté que ce chiffre pourrait encore augmenter si le prix de l’électricité sur le marché baissait, ou si les règles et les niveaux de subventions n’étaient pas modifiés.
L’Allemagne paiera 24 Mds€ de subventions pour 2014. De plus, de 2008 à 2013, elle a perdu 52 Mds€ à l’exportation en raison de ses coûts de l’énergie non compétitifs par rapport à ses cinq principaux partenaires commerciaux.
2) Les prix de détail pour les consommateurs d’électricité ont considérablement augmenté. Les subventions en Allemagne, et dans le reste de l’Europe, sont généralement payées par les utilisateurs par le biais des taxes sur leurs factures. Les prix de l’électricité des ménages en Allemagne ont plus que doublé. Ils sont passés de 0,14€/kWh en 2000 à plus de 0,29€ /kWh en 2013. En Espagne, les prix ont également doublé, passant de 0,09€/kWh en 2004 à 0,18€ /kWh en 2013. Par comparaison, le prix de l’électricité domestique aux États-Unis est en moyenne de 0,10€/kWh ($ 0,13/kWh). En France, il est de 0,13€/kWh en 2014, et il est demeuré stable au cours de la dernière décennie.
3) Le modèle des prix de gros a été bouleversé en raison de la pénétration des énergies renouvelables, avec des conséquences désastreuses sur les entreprises de production. Dans le passé, les prix de gros suivaient la courbe de la demande. Dorénavant ils réagissent aux intempéries. La loi impose d’insérer en priorité la production subventionnée des énergies renouvelables dans les réseaux. En conséquence, les prix de gros en Allemagne, pour la production de base, ont chuté considérablement de 95€ /MWh en 2008 à 37€ /MWh en 2013.
La marge bénéficiaire a disparu pour les producteurs d’électricité qui ont construit et financé les centrales thermiques au gaz. Fonctionnant moins longtemps et de manière erratique, elles ne sont plus rentables. L’impact pour les actionnaires a été spectaculaire. Les électriciens allemands ont vu les actions de leurs entreprises chuter de près de 45% depuis 2010. Certains opérateurs de centrales au gaz demandent maintenant des paiements de « capacité » (c’est-à-dire être payés sans produire) pour être capable de répondre à la demande en cas de besoin pour garantir l’équilibre du réseau.
4) Les centrales fossiles et nucléaires sont aujourd’hui confrontées à de nouvelles contraintes thermiques et économiques. Elles fonctionnent maintenant dans des conditions moins stables pour compenser les variations subies des sources d’énergies renouvelables afin de maintenir l’équilibre de l’offre et de la demande. Des rénovations coûteuses seront nécessaires pour ces centrales afin de leur permettre de faire face à ces exigences opérationnelles non prévues. En conséquence, des unités de production au gaz reçoivent des compensations financières afin de rester économiquement viables et « en ligne » en cas de besoins temporaires.
5) Le déploiement à grande échelle de capacité d’énergie renouvelable ne conduit pas à une réduction de la capacité thermique. En raison de la variabilité du vent et de l’énergie solaire, il existe de nombreuses périodes dans l’année au cours desquelles la production provient principalement de centrales thermiques (à flammes ou nucléaires). Elles sont nécessaires pour doubler presque totalement la puissance de production afin d’assurer la fiabilité du système.
6) Des investissements à grande échelle sont nécessaires pour élargir les réseaux de transport. La production électrique des projets éoliens en mer et à terre situés dans le nord de l’Allemagne doit être acheminée aux consommateurs dans le sud du pays. Le coût total de l’investissement est estimé à environ 40 Mds€ au cours des 10 prochaines années. De plus, les réseaux nécessitent des investissements supplémentaires significatifs pour accueillir une part accrue d’énergies renouvelables variables et fatales. Tous ces coûts seront finalement répercutés sur les consommateurs d’électricité, en particulier les ménages pour préserver la compétitivité des entreprises.
Ce n’est pas passé inaperçu en Allemagne et dans l’UE. Un rapport a été publié fin février 2014 par une commission d’experts indépendants mandatés par le gouvernement allemand. Il a conclu que : « le programme actuel de l’Allemagne des énergies renouvelables est un moyen non rentable et inefficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et devrait donc être arrêté ».
En outre, la Commission européenne a publié de nouvelles lignes directrices, le 9 Avril 2014 (avec effet à partir de 2017) pour corriger les distorsions du marché. Elles interdisent toutes subventions du type « achat obligatoire » et préconisent la loi du marché pour les énergies renouvelables.
7) Les subventions trop généreuses et non durables ont créé une incertitude réglementaire et des risques financiers préjudiciables à toute l’industrie de production d’énergie, y compris d’énergie renouvelable.
Conclusion
Moulins à vent, éoliennesLes leçons apprises en Europe, notamment en Allemagne, montrent que l’intégration à grande échelle des énergies renouvelables fatales et intermittentes conduit à fragiliser le système électrique et économique. Le consommateur aurait dû être mieux informé de l’augmentation des prix et des compromis à faire.
Cette politique de subvention des énergies renouvelables a entraîné un déséquilibre du marché, de la destruction de valeur pour les entreprises, les services publics et les investisseurs, sans diminuer les émissions de gaz à effet de serre, ni l’indépendance énergétique.
L’Allemagne utilise à grande échelle le lignite et le charbon qu’elle tire de son sous-sol. La France devrait se rappeler qu’elle n’exploite presque aucune énergie fossile nationale. Les investissements actuels et futurs doivent être réalisés en ayant à l’esprit les leçons tirées de l’expérience allemande pour assurer la fiabilité de l’alimentation, et la stabilité des prix pour tous les utilisateurs (particuliers, services publics et entreprises).
Les responsables politiques et les ministères seraient bien inspirés d’intégrer ces enseignements dans leur planification stratégique et financière pour le bénéfice de tous.

Publié le par Michel Gay dans Contrepoints.fr

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