mardi 8 avril 2014

TRANSITION ÉNERGÉTIQUE : ARRÊTONS LES OBJECTIFS IRRATIONNELS

article de Philippe François et Agnès Verdier-Molinié
sur le site Les Echos (07/04/14)

La France est un des pays développés qui produit le moins de CO2 par personne et utilise l'énergie de façon la plus efficace. Elle n'a donc aucune raison ni économique ni morale de se pénaliser en précipitant sa transition énergétique. Une action dont l'effet est négligeable au niveau mondial alors que des découvertes considérables de gaz et de pétrole sont aussitôt mises en production.

Le détail de la loi sur la transition énergétique n'est pas connu, mais ses objectifs sont plus irrationnels qu'économiques : en 2025, ramener la part du nucléaire de 75 à 50 % dans la production d'électricité, et en 2050, diviser par quatre la production de gaz carbonique et réduire de moitié la consommation totale d'énergie. Dans ce débat, la compétitivité de la France et le coût de la transition énergétique sont rarement pris en compte. En tenant compte de leur intermittence, le coût de l'électricité éolienne et photovoltaïque est de trois à sept fois plus élevé qu'actuellement. Le surcoût pour les consommateurs des programmes déjà lancés est évalué par la Cour des comptes à 4 milliards d'euros par an en 2015 et 8 en 2020. Ramener la part du nucléaire à 50 % en 2025 conduirait à un surcoût de 30 milliards d'euros par an. En Allemagne, il est déjà de 24 milliards d'euros.

Pour 2025, il n'existe que deux scénarios : (celui d'EDF) réduire la proportion du nucléaire en augmentant la consommation totale d'électricité, (celui des Verts) réduire la consommation d'électricité et arrêter la moitié des 58 réacteurs nucléaires. Le premier scénario va à l'encontre des objectifs de 2050. Le second prône une réduction massive de la consommation d'énergie, niant les besoins insatisfaits dans notre société. Il est difficile, révoltant même, de dire à la moitié des salariés qui gagnent moins de 1.685 euros par mois, ou aux retraités dont la pension moyenne est de 1.200 euros qu'ils consomment trop d'énergie. Idem pour les trois millions de mal-logés et les quatre millions qui sont en précarité énergétique.

Des progrès techniques vont réduire notre consommation d'énergie. Mais dans le domaine des transports, une grande partie du parc en service en 2025 est déjà en circulation. Et pour les bâtiments, le coût des adaptations est considérable. Les nouvelles normes thermiques provoquent un surcoût à la construction de 15 % et isoler 500.000 logements anciens par an exigerait d'investir 15 milliards d'euros. Des capitaux dont notre pays ne dispose pas et dont le retour sur investissement est souvent faible. Certains espèrent que ces grands chantiers vont au moins créer des emplois. Mais, « Remplacer les camions par des brouettes », Alfred Sauvy l'a déjà expliqué en 1960, donne l'illusion de créer des emplois, mais dégrade en fait la compétitivité du pays,

Les alertes du Giec, justifiées ou pas, ont peu de prise sur la réalité mondiale. Il serait donc logique de réfléchir à la façon de lutter contre les désordres climatiques éventuels. Après la catastrophe de 1953, les Néerlandais ont construit des digues ; après les tremblements de terre de Tokyo, les Japonais ont construit des immeubles résistants ; et dans les plaines du middle-west, les habitants ont des caves pour s'abriter pendant le passage des tornades. Les Français peuvent aussi prendre leur destin en main.

Dans son étude « La France face aux choix énergétiques », la Fondation iFRAP étudie le réalisme des objectifs fixés par les pouvoirs publics et propose 4 mesures fortes :


Construire en permanence un à deux réacteurs nucléaires ;

Evaluer puis éventuellement exploiter le gaz de schiste ;

Mettre en réserve les technologies opérationnelles mais trop coûteuses, éolien et photovoltaïque notamment ;

Intensifier la recherche sur les technologies d'avenir (stockage, nucléaire, biomasse et photovoltaïque de seconde génération).

Ne polluons plus le débat de l'énergie par des postures politiciennes ou émotionnelles, voyons-le comme ce qu'il est : un sujet économique.

Philippe François et Agnès Verdier-Molinié

Philippe François est expert énergie à la Fondation iFRAP. Agnès Verdier-Molinié est directeur de la Fondation iFRAP.

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