mardi 9 mars 2010

Le jugement de Montpellier fait du bruit !

S' il est des décisions qui font du bruit, c'est bien celle-ci : le tribunal de grande instance de Montpellier vient de donner raison à une famille propriétaire viticole, dont les bâtiments sont surplombés par le parc de 21 éoliennes de Névian. Non seulement il ordonne la démolition des quatre aérogénérateurs les plus proches des habitations, mais en plus il condamne l'exploitant du parc, La Compagnie de Vent, à payer une somme considérable à la famille vigneronne, près de 500 000 euros .

Le tribunal a tenu compte du préjudice subi mais aussi de la moins value foncière de la propriété. Une première dans le contexte très tendu des installations de parcs éoliens. Car le juge va loin et assortit sa condamnation d'une force exécutoire du volet financier, ce qui impose à l'exploitant de payer la somme due, même si, et c'est le cas, il fait appel de ce jugement ! En revanche, la démolition n'interviendra que si la cour d'appel confirme le jugement de première instance.

Les parcs éoliens sont soumis à des vents contraires : d'un côté, ils sont encouragés par les politiques gouvernementales environnementales successives, d'autre part ils sont systématiquement attaqués devant la justice. La voie classique est l'action en annulation du permis auprès du juge administratif. Ce fut également le cas ici. En vain. Mais la nouveauté en l'espèce, c'est la demande faite par cette famille de propriétaire devant une juridiction civile, le TGI de Montpellier. David contre Goliath ? La demande au départ paraissait ahurissante : il s'agissait d'obtenir la démolition du parc éolien dans son ensemble et de condamner l'exploitant éolien à payer 400 000 euros de dommages intérêts...

Une affaire hors normes

Il y a neuf ans, la famille Narbonnaise propriétaire du domaine de Bouquignan, située sur la commune de Bizanet avait attaqué en référé "La Compagnie du Vent", protestant contre l'édification de son parc éolien de Névian. Afin de mesurer l'impact du préjudice esthétique et sonore mis en avant par la famille gênée par les éoliennes, le juge du TGI de Narbonne avait désigné un expert indépendant, qui fut également chargé de faire estimer par un autre spécialiste la valeur foncière de la propriété.

Pour sa part, le Compagnie du vent a rappelé les conclusions de sa propre étude d'impact, et a souligné qu'elle avait obtenu toutes les autorisations administratives requises (modification du POS de Névian, permis de construire, autorisation préfectorale...) et que parallèlement à l'action civile, le tribunal administratif de Montpellier avait confirmé la validité du permis de construire. A l'audience du TGI de décembre dernier, l'avocat de l'exploitant éolien, Maître Gassenbach, du barreau de Paris, a exhumé une jurisprudence selon laquelle les propriétaires qui bénéficient d'avantages comme une vue dégagée ou un ensoleillement, ne peuvent prétendre à un droit acquis. "Les propriétaires de Bouquignan depuis 1929 ne peuvent exiger que le paysage demeure en l'état, la vue sur un horizon totalement dégagée n'est pas un droit acquis".

La compagnie du Vent atteste par ailleurs que le rapport de l'Académie de médecine est actuellement contesté, et s'appuie sur ses études acoustiques pour nier le trouble sonore. La famille propriétaire, défendue par Maître Pech de Laclause, a balayé cet argument : "En l'espèce, la construction d'une centrale de 21 éoliennes sur une crête mesurant plus de 72 m de haut, en pleine campagne à l'aplomb d'une maison d'habitation constitue bien un trouble anormal de voisinage, et cette pollution visuelle gâche la jouissance quotidienne des lieux et excède la mesure ordinaire des obligations de voisinage". Le tribunal a retenu que la totalité des rapports aboutissait au même constat : les éoliennes causent des nuisances auditives.

Ce jugement, s'il était confirmé en appel aurait force de jurisprudence. En attendant, ce jugement devrait provoquer une onde de choc dans les autres parcs éoliens.

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